đ Une ONG accusĂ©e de protĂ©ger la nature⊠au dĂ©triment des populations locales
African Parks, prĂ©sentĂ©e comme une ONG environnementale exemplaire, se retrouve aujourdâhui au cĆur dâune vive polĂ©mique. Son objectif : gĂ©rer et prĂ©server des aires protĂ©gĂ©es sur le continent africain. Sa mĂ©thode ? Selon certains observateurs, une gouvernance jugĂ©e autoritaire, peu transparente, et souvent dĂ©connectĂ©e des rĂ©alitĂ©s locales.
LâĂ©crivain et journaliste nĂ©erlandais Olivier van Beemen vient de publier une enquĂȘte choc :
đ « Au nom de la nature â EnquĂȘte sur les pratiques nĂ©ocolonialistes de lâONG African Parks » (Ăditions Rue de lâĂ©chiquier), fruit de plusieurs annĂ©es dâinvestigation.
đŒ Une organisation… trĂšs bien implantĂ©e
BasĂ©e en Afrique du Sud, African Parks gĂšre aujourdâhui 23 parcs naturels rĂ©partis dans 13 pays africains, dont le BĂ©nin, le Tchad, le Rwanda, ou encore la RĂ©publique centrafricaine. Son modĂšle repose sur des partenariats publics-privĂ©s : les gouvernements cĂšdent la gestion des parcs Ă lâONG pour des durĂ©es allant jusquâĂ 25 ans, avec un droit de contrĂŽle Ă©tendu sur les ressources naturelles.
FinancĂ©e par de riches donateurs internationaux â dont le prince Harry, lâUnion europĂ©enne, ou encore la Fondation Walton (Walmart) â lâONG se revendique comme un acteur du dĂ©veloppement durable, combinant protection de la biodiversitĂ© et retombĂ©es Ă©conomiques pour les communautĂ©s locales.
â ïž Une rĂ©alitĂ© bien diffĂ©rente sur le terrain ?
LâenquĂȘte dâOlivier van Beemen remet en cause ce discours sĂ©duisant. Le journaliste Ă©voque :
- Des expulsions forcées de villageois vivant aux abords des parcs,
- Des cas de violences physiques, parfois commis par les éco-gardes recrutés par African Parks,
- Une gestion centralisée, opaque et verticale, excluant souvent les populations autochtones des prises de décision.
đŁïž « Câest un systĂšme de conservation imposĂ© par le haut, qui reproduit les logiques de lâĂ©poque coloniale : la nature appartient aux Blancs, les Noirs sont des intrus quâil faut surveiller ou chasser », rĂ©sume lâauteur.
đ§ NĂ©ocolonialisme vert ?
Le terme revient comme un leitmotiv dans lâouvrage : « nĂ©ocolonialisme vert ». Il dĂ©signe une forme de domination contemporaine, sous couvert de prĂ©occupations Ă©cologiques. Dans ce cadre, la protection de lâenvironnement devient un prĂ©texte pour contrĂŽler des territoires stratĂ©giques, parfois riches en ressources, sans concertation rĂ©elle avec les peuples concernĂ©s.
Selon van Beemen, certains Ătats africains voient en African Parks une solution Ă la crise sĂ©curitaire ou budgĂ©taire, mais se dĂ©lestent en rĂ©alitĂ© de leur souverainetĂ© sur d’immenses territoires.
đ± African Parks se dĂ©fend
LâONG a rĂ©agi Ă ces accusations dans un communiquĂ©, affirmant :
đą « Nous opĂ©rons avec le plein accord des gouvernements africains, selon des cadres juridiques clairs. Nos actions visent Ă prĂ©server la biodiversitĂ© tout en apportant des bĂ©nĂ©fices tangibles aux communautĂ©s locales. »
Elle met en avant des emplois créés, des Ă©coles et dispensaires financĂ©s, ainsi que la rĂ©habilitation dâĂ©cosystĂšmes dĂ©vastĂ©s par le braconnage ou les conflits armĂ©s.
𧩠Une question de souveraineté et de modÚle
Le dĂ©bat autour dâAfrican Parks pose une question fondamentale sur lâavenir de la conservation en Afrique :
- Comment concilier écologie et justice sociale ?
- Qui doit dĂ©cider de la gestion du territoire : les Ătats ? les ONG ? les populations locales ?
- Et surtout, peut-on sauver la nature contre les peuples qui y vivent depuis des générations ?